Marine-Emilie Jolly "à côté des utopies"
Un balbutiement
Un texte sur une exposition de Martine-Émilie Jolly
à la librairie Quartier Latin
Pierre Rochigneux
nov2022embre
N'allons pas parier que l'aile d'un ange est de plumes et d'os, tout fut dit, tout sera répété, ça ne change pas le décor. La voici pourtant qui viendrait ici. Quand nous n’y sommes plus. Notre ombre, encore, à peine, même pas. Point d’odeurs que l’image aurait retenues, nous ne sommes plus.
L’aile sait. Elle reste ici. L’ange aussi est parti, vous Le reconnaissez désormais à sa longue cicatrice dans le dos, il ne la cache pas. Comme tout ce qui s’ennuie, l’aile sait qu’elle peut tout essayer. Son credo : « C’est mouvant, c’est émouvant ». Phrase facile, ne demandons pas la lune à une aile. L’aile tente. Petits mouvements. Rien n’est observé quand tout est possible, l’aile insiste, petits mouvements. Les éléments sont d’abord désintéressés. L’eau, la terre, le feu, l’air regardent ailleurs. Préoccupés par des dangers imaginaires qu’ils doivent avoir adoptés ici, préoccupés parce qu’on leur a dit que chacun ici est l’ennemi de l’autre. Et qu’il ne faut pas bouger, qu’il faut respecter son espace, son âge, sa lumière, sa masse. Dieu sait quoi d’autre. Voilà, quand on fout la trouille à un paysage !
L’air est d’abord déplacé. C’est l’air que touche l’aile, comment pourrait-il en être autrement, l’aile est fabriquée pour l’air et le déplacement. L’air sait qu’il n’est entendu que par les frottements, il veut devenir musique. Pas toujours. L’aile le lui demande. C’est encore minime, c’est invisible, c'est inutile comme tout ce qui nous est invisible. Les herbes sont frottées et dansent timidement, l’eau sent le frisson et elle le montre. Le feu, par sa fumée, n’est pas en reste, il fait croire qu’il s’en va. Si on lit la direction de la fumée, on sait où se trouve l’aile en cet instant. L’aile qui a pris son élasticité dans une ampleur encore discrète, l’aile ne doit rien casser. Sent bien que des éléments perturbent l’esquisse de fête. Les éléments que l’homme parti a laissés. Les éléments des limites et des interdits. L'aile d’un ange sait arrondir les angles et adoucir ce qui est blessant, demande aux éléments d’user tendrement le danger.
L’aile est tentée, elle devient gourmande et se méfie, voudrait que les couleurs se maquillent, que l’eau se vague, que l’air se tempête, l’aile voudrait la grande animation, diable. Difficile de faire d’une aile une vanité, voici cette aile d’un ange qui se calme et qui tente une autre immobilité, elle a révélé, elle ne veut pas transformer.
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