"Le petit oiseau va sortir" : Charlotte Piérot - Laurent Chouteau - Jasmine Trilland (mai 2023)

 

Nuages sages

 

Texte pour une intervention de Charlotte Piérot à la Cour

(d'après "la conférence des oiseaux" de J-C Carrière)

m2023ai

Pierre Rochigneux



Ce n'est que ça. Et ce n'est rien, c'est rien. Un rien que je veux regarder, que j'apprivoiserai, que je veux toucher, que je prends comme je prends cette immensité au-delà du sable et qui, se frottant à l’horizon, s'appelle une mer ou un océan, suivant les cartes, suivant les codes et les dessins. Cet océan, disons cette mer, cette mer pour mieux vivre et se régénérer ne se contentera pas des marées lunaires et des vagues recommencées ni du mouvement de mes désirs. Il lui faut être absorbée par quelque oiseau. Par quelque baleine être éloignée, faire le grand tour migrateur. Bleu, blanc. Pas suffisant. Il lui faut par le soleil être transformée en air chargé d'elle-même. Sans le sel. Monte alors, se détache, devient respirations. Pas suffisant. Par des vents nommés. Une rotation sempiternelle, des souffles puissants ou timides, voici la mer en partie déportée dans les ciels, retournant à l'origine pour s’y trouver. Elle vise les montagnes et les déserts, elle frôle de récents immeubles ignorants et la pointe des anciens sapins de mémoire, elle se fait transparente, lente et fluctuante ou grise et menaçante. La mer, c'est gentil, faut pas qu'on l'embête. Elle cherche ce qu'elle fut, elle presse ses souvenirs entre vallées et falaises, se perd parfois, se rehausse du col, elle a confiance dans tous les vents. Monte et descend, soulève les feuilles qu'on dit mortes et les culs des lapins vivants. Les oiseaux traversent le décor, s’y cachent, s’y déploient, s’y perdent, s’y font. C'est rond ou c'est large, ça s'effiloche, ça prend ou ça envoie des éclairs, ça cache des avions ignorants aussi, des hauts de sommets. La mer ainsi se fatigue et je la comprends, moi-même ai-je un peu de plomb dans les chausses. Aussi loin, aussi haut qu'elle aura su aller, elle se lâche, elle pleure. Elle se pleure et se fait disparaître. Une source. Juste après, il appelle ça un ruisseau. Il pose un rocher sur ce ruisseau et ce rocher comme la mer aspire à sa transformation. Il se sait déjà sable, recommencements, voyages.

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