Exposition Claude YVROUD - "Noir Terrain de Jeu et autres Fariboles Frontières" (Oct.2022)

 

Impossibles frontières

Un texte pour Claude Yvroud / octobre 2022

Pierre Rochigneux


Comme d'autres savent rapporter des non-cadeaux de leur non-anniversaire, je sais rapporter des non-images de mes non-voyages.

Fausses images de mes faux voyages, l’espace serait simple et la promenade offrirait des fatigues maîtrisables et des découvertes qui sont utiles dans un repas en ville. Ou contre un bar. 

Las, un non-déplacement possède de vraies limites et s’enivre de vraies frontières. La chaise à roulettes n’y peut rien, le lit tanguant s’en étonne, ça bute sur un pointillé, ça prend de face un horizon vertical sans corde ni poignée ni piton d’ancrage, ça se fige contre une transparence armée de ce qui déchire les peaux et les non-peaux. Mes pieds dans la non-pérégrination se cognent au moindre millimètre de poussière, elle est de craie, elle est d’un ancien feu, d’assemblage de métaux ou de ces couleurs qui sèchent et qu’on croit alors disparues. Je ne mettrai pas la main dessus. Oh, pas la crainte de me salir, c’est plutôt moi qui abîme, toujours c’est moi qui use et qui froisse et qui en fais toute une histoire.

Traverser n’est pas mon fort. Atteindre, sublimer, apprivoiser et soumettre, je m’en suis écarté. Mes non-images rapportées dans mon non-bagage n’ont pas su aller au-delà. Dois-je avoir échappé à la mort ? Dois-je regretter l’herbe verte dissimulée juste après, là où mon regard se refuse d’aller ? Le trouillard, je dis, mes yeux fabriquent ce trouillard myope. Je sais alors me réfugier dans mes interprétations, je sais voler les ailes de la buse et usurper les yeux de la taupe. Sans les blesser.

Ce qui restera de vérité et de non-vérité, j’irai le faire mentir et j’ajouterai avec un peu de crainte, « Vous-mêmes, allez-y donc ! »


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